Qui veut être mon associé – Le débrief pitch de l’épisode 1

Il y a quelques semaines, débutait une nouvelle émission sur M6 mettant à l’honneur l’entrepreneuriat mais aussi l’exercice du pitch. En effet, le programme « Qui veut être mon associé ? » permet à plusieurs entrepreneurs de pitcher devant des investisseurs sous l’oeil des caméras. C’est donc curieuse, surtout sous l’angle de vue du pitch, que j’ai enfin pris le temps de regarder cette émission.

Je n’ai pu m’empêcher de décortiquer un peu les passages, toujours preneuse d’exemples concrets pour illustrer des propos pitch. Cependant, je note que le format est très influencé pour le passage à la télévision (ce qui est normal). Mais cela ne représente donc pas totalement les situations réelles de pitch. Ici, on fait connaissance en amont du pitch avec les entrepreneurs lors d’un échange avec Julien Courbet et on les découvre souvent lors d’un mini-reportage dans leur quotidien. De plus, avant leur arrivée pour pitcher, le plateau est déjà installé avec une mise en scène laissant les investisseurs jouer aux devinettes pour trouver quel est le prochain projet. On note bien que dans la vraie vie, cela ne se passe généralement pas comme ceci. C’est pour cela que j’ai volontairement isolé les passages des pitchs pour ne pas me laisser influencer par « l’emballage télévisuel ». Je suis tout à fait consciente que la magie du montage peut aussi enlever à l’authenticité des extraits ci-dessous. Mais ce sont, en tout cas, les bribes d’images semblant le plus se rapprocher de potentiels pitchs. Si vous souhaitez regarder cette émission d’un autre œil, d’un point de vue purement pitch, je vous propose donc mon débrief sur le premier épisode de ce programme avec une rapide analyse des points intéressants qui sont à retenir des pitchs.

Tel un débrief lors d’un coaching, je propose de mettre en avant les points forts et éléments purement « pitch » (que l’on adore) des prestations ainsi que les points ayant moins fonctionné pouvant être améliorés. Tout ceci de manière assez rapide et global sur l’exercice du pitch. Ainsi mes remarques pourront autant concerner les éléments du discours que ceux de la posture ou encore du support. A noter que dans ce débrief, je n’observe que les pitchs et n’émet aucun jugement sur les projets ni leurs viabilité/faisabilité/qualité. Je note uniquement ici les éléments pitch remarquables, suscitant mon envie de les mettre en exergue avec un brin d’analyse.

Pitch SOS Baggage

Ce qui saute aux yeux après le pitch de SOS Baggage, c’est le dynamisme de son porteur de projet. On ressent très fortement son implication, son travail et son envie de réussir. Ça, c’est très très positif ! On voit aussi qu’il n’a pas peur de « mettre la main à la pâte » et c’est très agréable.

J’aime assez regarder de plus près les tout débuts de pitch. Cela correspond en général assez bien à l’attitude du pitcheur. Ici, le pitcheur débute par : « Voilà j’me présente, j’m’appelle… ». Cela montre assez bien le côté spontané et l’attitude détendue (non moins professionnelle évidemment). On remarque d’ailleurs, que le pitcheur n’hésite pas à utiliser quelques tics de langage pour rythmer son pitch (« Voilà », « Euh », « Et », « Donc »). Cela lui donne un aspect très naturel et agréable à l’écoute. Un tout petit peu plus tard, il débute également son storytelling par le « euh » (« euh, comment m’est venue l’idée ? »). Même si le « euh » a mauvaise réputation, à toute petite dose (comme ici une seule fois, pas de manière trop étirée et uniquement en élément de liaison), cela n’est pas gênant et renforce encore le côté naturel.

Ce pitcheur est un vrai pro d’éléments de langage très « pitch ». Pour présenter son entreprise, il n’hésite pas à dire : «je suis le leader dans la réparation et dans l’échange valise ». Bien d’autres entrepreneurs avec le même projet auraient expliqué qu’ils avaient créé une entreprise spécialisée dans la réparation et l’échange valise. Mais, ce pitcheur fait le choix très fort et impactant d’afficher d’emblée qu’il est « leader ». Bien évidemment, cela fonctionne également parce qu’il assume complètement ses dires et les incarne pleinement. A noter aussi que son ton très spontané vient rendre également plus sympathique ce type d’affirmation qui pourrait sinon (à tort ou à raison) être perçue/jugée un peu vantarde pour le grand public

Ensuite, le pitcheur utilise la technique du storytelling pour expliquer comment lui est venu l’idée de son projet et utilise toutes les dimensions du storytelling. Il débute son histoire à la première personne, puis inclut tout de suite tout le monde dans son discours (« vous avez tous eu la mésaventure de retrouver votre valise cassée ») et revient à son histoire personnelle en parlant au « je » (« j’me dis y’a un truc à faire ») mais en insérant également d’autre personnage avec carrément des dialogues. Le pitcheur nous livre une histoire haletante avec des rebondissements et sa gestuelle devient presque mime. On le voit d’ailleurs saisir le téléphone pour appeler les fabricants de bagages. Si l’on peut peut-être ressentir un chouia de crispation (pas vraiment visible à l’oeil nu) au tout début du pitch et à l’évocation de la demande d’investissement, le pitcheur devient un vrai showman quand il est dans le vif du sujet et qu’il nous raconte concrètement son histoire. Il incarne si bien son histoire que l’on peut presque voir les autres personnages. Il tient les investisseurs en haleine et décroche même des sourires (voir rires) tellement il est authentique et sympathique.

Il est entier et n’hésite pas à montrer les éléments que certains auraient tendance à cacher. Il explique : « J’suis pas du métier, mais j’peux reprendre le truc ». Cette affirmation est au cœur d’un dialogue qui remporte l’adhésion du personnage fictif et donc fait adhérer l’interlocuteur puisqu’il poursuit par : « Il m’fait ok ». Il va même plus loin en faisant témoigner les personnages fictifs en sa faveur et ils ne mâchent pas leurs mots : « Ils m’ont dit. Vous savez quoi ? Vous êtes l’homme qu’il nous fallait ! ». Il fallait oser mais cela passe très bien. Il nous entraîne dans une description précise, rythmée, presque imagée de son histoire. Elle est très vivante puisque racontée au présent.

La partie storytelling de son pitch est bien sûr la meilleure. C’est un festival de « punchlines » type « pitch ». Il utilise l’amplification du « même pas » quand il dit : « J’ai même pas créé le besoin. Le besoin il y était. » Cela amplifie et donne presqu’un caractère extraordinaire à un besoin déjà présent (alors que ce n’est pas le cas évidemment, la plupart des besoins étant existants). Dans les éléments pitch, on note également les onomatopées utilisées « tac, tac, tac, bam, bam, bam » pour représenter ses actions en chaîne.

Il utilise également le mécanisme de la répétition avec les « tu veux ? » et « on te donne » pour accentuer l’adhésion des partenaires de son projet et ce sont des éléments de réassurances non négligeables pour des investisseurs (« Il m’fait ok. On te donne tout ce que tu veux. Tu veux des pièces ? On te donne des pièces. Tu veux une formation ? On te donne une formation. »). Si on suivait la logique du pitcheur jusqu’au bout on pourrait poursuivre par « je veux tant d’argent », « vous allez me les donner ». C’est archi caricatural, mais il est vrai que si les partenaires principaux sont prêts à lui donner tout ce qu’il souhaite, pourquoi les investisseurs ne le seraient pas également ? Sinon, on apprécie bien évidemment les phrases courtes, simples et efficaces qui permettent à tous de comprendre ce pitch.

Démo SOS Baggage

En bonus, je glisse la démo de SOS Baggage où l’on retrouve également des éléments très « pitch » comme ce « poubelle » déclaré de manière franche qui vient bien accentuer le non-sens écologique et économique du problème résolu par SOS Baggage ou le « On a des clients qui viennent de Singapour, de Hong Kong, ils ont jamais vu ça. Ils m’ont dit, on a jamais vu un service pareil » qui vient renforcer le côté exceptionnel du projet. Il réutilise le mécanisme de la répétition en disant deux fois « même » pour rassurer le client sur la qualité de la pièce remplacée sur la valise quand il dit : « la même roulette, la même référence ». Il n’hésite pas à impliquer ses interlocuteurs en utilisant l’impératif tel un démonstrateur en herbe : « Et maintenant, regardez comment elle roule ». Les interlocuteurs sont tout simplement séduits par cette démo rapide et efficace. Ce sont les mots de Marc Simoncini : « Super ! » et Catherine Barba : « Ouais, c’est top ! ».

Pitch Y Brush

J’ai envie de retenir quatre points pitch de cette prestation. Le premier, c’est que l’humour est un ingrédient possible et tout à fait agréable dans un pitch. Mais la première règle dans ce cas, c’est d’assumer entièrement notre propos humoristique. Le risque sinon, c’est de faire un bide ou de créer un malaise. Il faut donc toujours se respecter en tant que pitcheur. Si je pense que je ne vais pas être à l’aise pour dire tel ou tel propos, je ne le fais pas (tout simplement). Ici, un des pitcheurs glisse une vanne maladroitement parce qu’il ne l’assume justement pas complètement : «Et l’objectif à long termes, c’est donc d’éradiquer les problèmes d’haleine de phoque ». Le résultat, c’est que les interlocuteurs froncent les sourcils et font des mines de surprise en ayant l’impression d’avoir mal compris. Le plus dangereux c’est ensuite le fait que ces réactions vont venir déstabiliser le second pitcheur qui doit enchaîner après ce très léger malaise. Par la faute de cette gêne qu’il ressent, il commence en balbutiant. Heureusement, il se reprend vite et prend une posture ensuite très professionnelle dans son discours. Tout cela pour montrer à quel point vouloir faire quelque chose qui ne nous ressemble pas peut nous mettre en danger.

Un autre point est aussi intéressant à relever dans ce pitch. Dès le début de l’explication de son concept, le pitcheur met en avant le processus de développement de l’innovation. Cela est très bien vu et vient tout de suite rassurer l’interlocuteur. En effet, on parle d’un sujet particulier avec l’hygiène bucco-dentaire. Entre guillemets, cela veut dire qu’on ne peut pas rigoler en proposant une innovation farfelue et peu sérieuse qui viendrait mettre en péril la santé des futurs usagers. Ici, ils sont prévenants et montrent en une phrase comment leur innovation est le fruit d’un long travail et d’une collaboration avec des professionnels de la santé et des technologies : « On a développé pendant 3 ans avec des dentistes avec des ingénieurs ». L’utilisation du « avec » est vraiment bien vue. De plus, ils le répètent pour amplifier l’effet. Cela montre vraiment qu’ils n’ont pas travaillé en consultant seulement de temps en temps l’avis d’experts. Mais cela donne l’image mentale et l’impression de voir les entrepreneurs et les experts travailler en continu ensemble dans le même bureau sur le projet pendant trois ans. Le « avec » est ici beaucoup plus fort que ne l’aurait été un « en lien » ou « en collaboration ».

On note également le passage de la présentation plus détaillée du produit. Ce qui est intéressant c’est que plutôt que de décrire le produit en le laissant sur le reposoir, le pitcheur le prend en main et illustre son propos en indiquant la partie concernée du produit par son discours de manière très précise. Cela rend beaucoup plus vivante cette description et nous permet de nous projeter. C’est très pitch ! Le pitcheur présente vraiment son produit. On apprécie particulièrement la présentation de la partie souple du produit. En véritable présentateur, le pitcheur montre en direct l’aspect souple de son produit en compressant la partie concernée. Cela renforce son discours et participe à convaincre du confort du produit. On le croit puisqu’on le voit. Il accompagne également son discours pour appeler les interlocuteurs à regarder sa démonstration : « Vous voyez ». Toujours dans cette logique de faire accepter un produit nouveau grâce au sentiment que son utilisation est agréable, il insiste sur le caractère souple du produit en l’amplifiant toujours grâce au mécanisme de répétition. Mais il utilise également l’amplification du mot solide en plaçant avant l’adverbe « extrêmement » marquant le côté poussé de cette caractéristique : « Vous voyez, elle est extrêmement souple. Elle est souple pour s’adapter à votre mâchoire ». Cette partie du produit n’est pas simplement souple. Elle l’est de manière extrême. Littéralement, cela revient à dire que l’on ne peut pas trouver plus souple. Cela appuie considérablement cette caractéristique. Et cela, c’est très pitch !

J’aimerais également profiter de cet exemple de pitch pour montrer l’intérêt d’une bonne conclusion dans un pitch. En effet, un bon pitch finit par une conclusion claire. Ici, c’est le cas. Avant de définir sa conclusion, on réfléchit à l’objectif que l’on vise pour le pitch en question. Ici, les pitcheurs veulent faire tester leur produit pour finir de convaincre les interlocuteurs : « Donc voilà, aujourd’hui nous on est venu avec un produit. Et on voulait proposer à l’un d’entre vous ou l’une d’entre vous de bien vouloir l’essayer ». Finir un pitch en poursuivant sur une démo, c’est une super manière de finir un pitch. Si la personne n’est pas intéressée par votre produit, elle déclinera l’invitation à l’essai. Si elle accepte le test, c’est que cela suscite son intérêt. A vous ensuite pendant la démo de transformer l’essai. On peut peut-être juste noter que dans la conclusion présente, l’idée est claire mais la forme aurait pu être simplifiée pour faire plus court et gagner en clarté.

Pitch Les Cartes de Lulu

Quelle énergie et quelle motivation ressortent de ce pitch présenté par une pitcheuse extrêmement souriante et énergique ! Si je devais retenir trois points remarquables à relever dans ce pitch, je commencerai par le côté concret. Dans un pitch, on adore avoir du concret. Ici, la pitcheuse est dans le concret à plusieurs endroits du pitch. Quand elle explique que les cartes une fois germées et plantées donnent des plantes, elle donne des exemples concrets et variés de ce qu’elles peuvent donner : « des fleurs des champs, des carottes, des salades, de la mélisse citronnelle ». Cela nous permet tout de suite en tant qu’interlocuteur de nous projeter et de visualiser concrètement le résultat des cartes. On apprécie également le concret de sa demande d’investissement. Elle justifie de manière claire son besoin d’investissement en expliquant concrètement ce qu’elle souhaite en faire.

Je pense d’ailleurs que c’est dans cette démarche de concret et de proximité directe avec le produit qu’elle a choisi de donner des cartes aux investisseurs au cours du pitch. Hélas, je déconseille ce type de démarche et trouve cela périlleux. Donner à quelqu’un quelque chose pendant que vous parlez, c’est lui donner l’occasion de sortir de votre présentation et de le faire se déconcentrer. D’ailleurs, cela n’y manque pas. Les investisseurs s’expriment directement à la réception de leur carte et commentent le produit. Cela interrompt clairement le pitch et le risque est que cela dure très longtemps. On voit également que quand la pitcheuse reprend son discours, la plupart des investisseurs ont encore les yeux rivés sur leurs cartes. C’est tout à fait une bonne idée de leur en offrir. Mais il aurait été plus judicieux et je préconise toujours d’attendre la fin du pitch pour le faire.

On note des verbatim très pitch dans ce discours et très marquants, comme : « Au lieu de la jeter à la poubelle, elle peut la jeter sous un peu de terre » ou encore « plutôt que de jeter votre carte, vous pouvez la planter, ça fera un déchet de moins ». Sur la première de ces punchlines, la pitcheuse accentue fortement le mot « jeter » à l’oral. C’est très bien réalisé ! On ne passe donc pas à côté. Sur l’autre punchline, sa gestuelle est très parlante à la fin de la phrase. Sur « ça fera un déchet de moins », elle lève les mains en l’air, d’un air de dire : comme ça, on ne sera pas coupable. Cela responsabilise l’interlocuteur et vient montrer l’urgence à proposer des solutions zéro déchet sans trop insister par les mots avec un discours qui pourrait être jugé trop moralisateur.

Il y a un élément qui ressort aussi de ce pitch, c’est la sympathie. Cela est bien sûr cultivé par la posture joviale de la pitcheuse. Mais on retrouve également cette dimension dans le discours et le choix de jeu de mots sympathique comme « startup florissante ». C’est dit de manière assumée et c’est un jeu de mot qui correspond avec l’univers du projet. Cela donne un aspect sympathique très vite dans le pitch. Toujours dans cette veine, la pitcheuse fait le choix d’une conclusion facile à garder en mémoire : « Plantez des cartes, plantez du bonheur ». On garde facilement en tête l’image de la carte à planter. Et surtout, le dernier mot de son pitch est le mot « bonheur ». Cela n’est pas anodin, c’est donc la dernière image qui reste en mémoire. Ce que l’on retient alors c’est que l’objectif du projet de la pitcheuse est de semer du bonheur. C’est une image très positive. Juste avant cette punchline de fin, rappeler le nom du projet « Les cartes à Lulu » en conclusion aurait pu être intéressant pour graver aussi dans l’esprit la marque du produit.

Pitch Tibtop

Isoler le pitch de Tibtop paraît cruel tellement le pitcheur est à l’aise et finit de convaincre les interlocuteurs en répondant avec brio à leurs questions. Pour ce faire, il leur donne l’objet, fait une démo vidéo à l’appui. C’est complet et sérieux. Le sérieux est aussi l’image que je garde du pitch isolé. Sa posture et sa voix sont calmes et posés. A l’écoute, c’est très clair et cela renvoie l’image d’un projet sérieux très maîtrisé. Si l’on observe la posture corporelle du pitcheur, en bas on remarque qu’il est stable (hormis les premières secondes d’installation) sur ses appuis, les jambes parallèles et légèrement écartées. En haut, il n’a jamais de bras ballants le long du corps mais toujours proches du plexus solaire. Ses mains se joignent à cet endroit formant ainsi un quasi triangle ayant pour extrémités sa tête ainsi que ses coudes de chaque côté. Ses mains sont croisées ou posées l’une contre l’autre. Sa gestuelle est très mesurée avec de légers mouvements des mains symétriques ou non débutant et finissant toujours par rejoindre l’autre main en posture initiale. Mon petit doigt me dit que ce pitcheur se connaît très bien et qu’il sait qu’il s’agit là des conditions dans lesquelles il est en confiance pour délivrer un discours clair et assuré. Le plus significatif des mouvements qu’il réalise sont ceux de sa tête et de ses sourcils. Il vient finalement appuyer son discours avec ses mouvements de tête et son regard. On apprécie le rythme et le débit de son discours ainsi que les silences laissés. Cela laisse le temps de recevoir chaque information délivrée dans ce pitch.

Si l’on s’intéresse au discours, on remarque que le pitcheur prend le temps d’installer son entreprise dans le discours avant de présenter l’innovation qui l’amène aujourd’hui. C’est malin et cela vient renforcer le côté sérieux du projet. C’est une entreprise qui travaille déjà dans le domaine et commercialise déjà des protège-tibias. Cela est rassurant puisqu’ils ne partent pas de rien pour proposer une innovation dans le domaine. Ensuite dans son pitch, il a su identifier et délivrer juste les informations essentielles du projet. Il donne un concept concis et clair du projet. C’est quoi ? C’est un « protège-tibia connecté ». A quoi il sert ? À donner « accès à la donnée de performances après match ou entraînement ». Pour qui ? « A l’ensemble des footballeurs ». Il n’oublie pas de nous donner une notion d’échelle « amateur, enfant… ». C’est succinct et laisse la porte ouverte aux questions pour plus de précision. Sans avoir potentiellement l’aperçu de la démo après le pitch avec la vidéo, j’aurais peut-être aimé qu’il intègre un chouia d’exemple ou d’explication de ce que permet l’accès à la donnée de performances dans le pitch.

S’il est succinct et sobre tout au long du pitch. Il accentue et en fait davantage dans la partie qui concerne son besoin d’investissement. Il insiste en ponctuant son discours de l’adverbe « vraiment » (« vraiment d’expert », « vraiment une chance », « je souhaite vraiment vous embarquer »). On sent alors qu’il attend beaucoup de cet investissement. Cela donne le sentiment qu’il recherche plus qu’un simple investisseur. C’est d’ailleurs à retenir. De manière générale, le « vraiment » est assez simple à ajouter dans son discours et lui donne tout de suite un côté plus sincère et engagé. Il ne faut donc pas hésiter à l’utiliser.

Pitch De Blangy Paris

Voilà encore un pitch intéressant à plusieurs égards que celui de De Blangy Paris. J’ai envie de m’intéresser à son organisation de l’information. En temps normal dans un pitch, on aime débuter en présentant le problème auquel répond notre projet. Et ensuite on présente notre solution répondant au problème. Ici, ce n’est pas le cas. Ils commencent par évoquer la solution : « le premier vernis semi-permanent qui change de couleur à la demande ». Et seulement ensuite, ils présentent le problème. C’est un parti pris qui marche exceptionnellement notamment parce que dans la solution il y a un effet de surprise avec des notions tout à fait antinomiques qui sont mises ensemble. On parle à la fois de semi-permanent et de changement à la demande. C’est cet effet d’absurde qui fait que cela fonctionne puisque cela surprend et suscite l’intérêt. Ce qui vient amplifier cela également c’est le fait d’avoir bien indiquer que c’était le « premier ». Cela vient encore plus aiguiser notre curiosité. C’est très pitch

On apprécie l’arrivée assez rapide de l’explication du termes « vernis semi-permanent » dans le pitch. Cela permet de n’écarter personne de la compréhension du projet. D’autres éléments sont également très pitch dans cette prestation. On note l’utilisation de termes forts permettant une contradiction forte entre ce qu’il est possible avec ou sans l’innovation présentée. La pitcheuse n’hésite pas à utiliser « Impossible ! » puis « mais nous allons changer cela ».

On adore la mise en situation pour démontrer l’intérêt du produit avec carrément une mise en abîme : « Imaginez que je sois en train de pitcher notre projet à des investisseurs ». C’est super fort ! C’est gonflé, décalé et léger. Ensuite la présentation est très visuelle. Grâce à une veste qui accompagne le discours, on est projeté dans l’univers d’une soirée plus décontractée. C’est super bien vu ! La démo ensuite finit d’éblouir les interlocuteurs. Le format télévisé obligeait certainement la pitcheuse à réaliser la démo depuis le stand un peu trop éloigné des investisseurs. Cela est dommage. En réalité, une démo sous les yeux auraient davantage amplifié l’effet waouh. A noter que les pitcheurs ont fait un excellent choix en faisant la démo avec le vernis qui permet de passer du nude à une couleur très foncée. Cela permet de faire un contraste très fort et de marquer davantage les esprits. C’est sans doute le vernis qui permet de faire le plus gros écart de couleur entre les 2 teintes. C’est donc encore plus bluffant. Si vous avez le choix entre plusieurs produits pour une démonstration, optez toujours pour celui qui aura le plus grand impact visuel.

Pour finir, les pitcheurs délivrent le Graal avec le brevet et des éléments de réassurance sur le sérieux du processus de recherche pour arriver au produit fini : « Notre innovation, c’est 4 années de recherches, 200 prototypes et 1 brevet déposé ». C’est court. Ce sont des chiffres ronds, simples et marquants. On comprend qu’ils ont travaillé dur longtemps et sérieusement pour obtenir un brevet. Autre verbatim intéressant qui suit le précédent dans ce pitch : « Vous l’aurez compris, notre innovation, elle est simple, elle est inédite, elle est brevetée ». On note la présence de ce petit « vous l’aurez compris ». C’est intéressant à placer lorsque l’on veut rendre une information évidente. On est d’accord qu’ici, c’est rendu possible puisque les éléments précédents permettent d’en venir à ces dires. C’est exactement dans ces conditions et uniquement d’ailleurs que cela fonctionne et c’est très pitch. Ensuite, on remarque le mécanisme de la répétition, auquel on peut difficilement échapper pour un bon pitch, avec la répétition du « elle est » mais également de l’information « brevetée » pour l’appuyer.

Pitch La Boulisterie

Le pitch de La Boulisterie est dans un registre très particulier qui fait écho à celui de l’émotion et de la nostalgie. La tenue des entrepreneurs nous y emmènent d’ailleurs tout de suite. Ils sont vêtus de marinières bleu marine et blanche. Ces marinières peuvent faire écho aux vacances de notre enfance passées en Bretagne par exemple à jouer entre cousins. Le discours est aussi rythmé d’éléments du registre de l’émotion : « poésie de notre enfance », « récolter beaucoup d’amour ». La gestuelle du pitcheur est très généreuse, imposante et marquée. On sent qu’il est dans le partage. C’est très cohérent avec le projet présenté.

Le pitch commence presque de manière chantante quand le pitcheur explique qu’ils ont voulu trouver une solution pour permettre de jouer aux boules « partout, tout le temps et par tous les temps ». La répétition cette fois-ci, non du même mot, mais de la même sonorité, marche également pour appuyer, amplifier et faciliter la réception du message.

Ils prennent la même astuce que De Blangy Paris en intégrant la notion d’être le premier à proposer cette solution dans la présentation de leur concept : « les premiers boulodromes éphémères ». D’ailleurs, voici l’exemple parfait d’un concept concis et précis de projet (boulodrome éphémère). Dans ces deux mots, on a la synthèse de tout ce qu’ils proposent. C’est exactement ce que l’on attend d’un concept. Par la suite, ils peuvent apporter davantage de détails, expliquer des éléments, donner des exemples concrets, expliquer leurs avantages. Mais tout bon pitch devrait commencer la présentation de sa solution par un concept concis et précis.

Il y a un élément très pitch dans cette présentation c’est la comparaison que le pitcheur mobilise pour expliquer la sortie de leur second produit. Il explique : « De la même manière que vous aviez au foot, le babyfoot. On a créé à la pétanque, le demi. » C’est très pitch ! Cela permet de comprendre rapidement. Et surtout cela rassure sur le fait que ce produit va marcher s’il prend le même chemin que le babyfoot. D’ailleurs, pour justifier la création de ce « demi », ils expliquent la demande et donc le besoin direct émanant de leurs clients. Là encore, c’est très rassurant.

Toujours pour rassurer ses interlocuteurs, le pitcheur utilise un mot très fort en parlant de garantie : « On vous le garantie ». Il va plus loin, en appuyant considérablement ce mot à l’oral et dans la gestuelle. Sa gestuelle qui est déjà très marquée tout au long du pitch, vient encore davantage s’accentuer à l’évocation de ce mot. On sent que pour le pitcheur c’est très important de promettre de ne pas faire n’importe quoi avec cet argent. A l’oral, il étire le « i » de garantie et dans le même temps sa main vient rebondir légèrement plusieurs fois telles les vibrations de son cœur qui promet quelque chose d’important.

Pitch Constant & Zoé

Les trois points que je souhaite mettre en avant dans ce pitch, c’est d’abord la bonne manipulation des chiffres. Trop de chiffres dans un pitch, ce n’est pas bon. Ici, la pitcheuse vient glisser plusieurs chiffres mais qui sont faciles à recevoir puisque très en lien les uns avec les autres et aussi très marquants. Ce sont de très gros chiffres. La pitcheuse explique que les personnes handicapées en France sont 9,6 Millions et que l’on compte 8 Millions d’aidants. Cela rappelle aux interlocuteurs l’importance du projet au vu du nombre de personnes concernées. Si les interlocuteurs ne sont pas touchés par le handicap, cela leur rappelle que beaucoup le sont. Avec l’investissement demandé, la pitcheuse explique également l’objectif de faciliter l’habillage de 40 000 personnes d’ici 3 ans. Ces données sont très concrètes, très factuelles. Surtout, mises en proportions avec les données précédemment citées, cela semble réalisable. La gestion des données dans ce pitch est donc globalement satisfaisante et donne l’impression que la pitcheuse maîtrise son sujet.

Pendant son pitch, l’entrepreneuse utilise le mime pour montrer les difficultés actuelles d’une personne handicapée pour s’habiller. Elle montre tous les gestes qui ne sont plus réalisables. On comprend donc très vite l’utilité et l’importance de son projet. On le voit, donc on le comprend. Elle utilise le mot « impossible » pour bien rendre compte de la totale incompatibilité avec les vêtements standard. C’est très bien réalisé, sur un ton posé, calme, professionnel et sympathique.

On note qu’à la fin, la pitcheuse utilise une ruse pour valoriser les investisseurs en leur disant : « C’est à vous de décider ». C’est une façon de leur donner le pouvoir. En effet, même sans le dire, c’est déjà le cas. Mais le fait de le dire, ça vient le renforcer et peut-être leur faire prendre conscience de la responsabilité qu’ils peuvent avoir sur un projet à fort impact social. Elle vient bien rappeler cet aspect dans sa conclusion en rassurant rapidement sur le côté rentable du projet mais surtout en appuyant sur sa dimension sociale : « pour faire des affaires bien sûr mais aussi pour faire beaucoup de bien autour de vous ».

Voilà un peu mon rapide débrief des points intéressants à mettre en avant dans les différents pitchs de cet épisode de l’émission. L’idée est surtout de profiter de bénéficier d’exemples réels pour illustrer des conseils pitch ou pour prendre un peu de recul et comprendre ce qui fait qu’un pitch fonctionne. Peut-être ferais-je le même exercice pour les prochains épisodes;)

Sophie Martinet de mon-pitch.com